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https://www.franceinter.fr, 30-mars-2018
TRANSCRIPTION :
- Animatrice: On parlait tout à l’heure avec Nicholas Sekkaki, le patron d’IBM France, d’Intelligence Artificielle, du plan Macron pour la stratégie, sur la stratégie autour de l’intelligence artificielle en France. On en a parlé déjà hier aussi. Maintenant on va voir avec vous, Sophie, l’application concrète dans les systèmes de vidéosurveillance.
- Sophie: C’est vrai qu’on n’a pas fini d’en parler de cette intelligence artificielle, et l’un des défis de demain, ce sera la reconnaissance visuelle. Il ne vous a pas échappé que le nombre de caméras de vidéosurveillance ne cesse d’augmenter : plus d’un million en France. La question est qui pour regarder toutes ces images produites, qui pour repérer les situations inhabituelles, les incivilités, les agressions, les vols, les abandons de bagages, les attroupements. On est dans un univers assez connu, vous le reconnaissez, le métro, un lieu sensible comme le sont les trains, les gares, les aéroports. L’idée est, avec l’intelligence artificielle, d’apporter une assistance à l’opérateur humain qui est derrière ce mur de caméras. Philippe Moutou est directeur du développement des études amont chez Thalès.
- Philippe M. : L’analyse vidéo, depuis pratiquement trente ans, elle est basée sur l’interprétation d’une image-plan, et ça s’arrête là, avec des tecno-mathématiques assez classiques, et le bond il est dans la capacité d’apprendre, et d’apprendre en fait l’image, par ce qu’on appelle les réseaux de neurones qui finalement nous placent dans des contextes où on arrive à segmenter l’information et à l’enrichir aussi, petit à petit, donc, là, on a un saut technologique, en fait, depuis quatre ans… et on n’avait pas la puissance de calcul.
- Animatrice: Et il est désormais possible, Sophie, de passer en revue beaucoup plus d’images qu’auparavant, voire d’associer plusieurs informations, comme du son.
- Sophie: Voilà, qu’on soit bien clair: comprendre une image, l’intelligence artificielle ne sait pas le faire. Donner, par exemple, du sens à un film, le résumer, ça lui est impossible, cela reste une faculté propre à l’humain. En revanche, par les réseaux de neurones qu’évoquait Philippe Moutou, l’intelligence artificielle peut apprendre à discriminer ce qui est normal de ce qui ne l’est pas et alerter l’opérateur.
- Philippe M.: En fait, ce système a appris dans de nombreux environnements à se constituer comme un alphabet de mots, de syntaxes simples, de ce que c’est qu’une situation en obtenant de descripteurs dans l’image. Et derrière, quand on est dans une situation anormale, cet alphabet, en fait, ne coïncide pas avec ce qu’on observe. C’est simple: on a plein de nouveaux mots qui apparaissent, qu’on ne connaît pas, donc on dit qu’on est dans une situation anormale.
- Sophie: Alors, dans un premier temps, pour reprendre le métro, les passagers sont assis, ils discutent, ils lisent leur livre, tout est calme. Si c’est un hall de gare, ils marchent ou boivent un café. Ensuite, on soumet à la machine d’autres images où, à l’inverse, une situation violente apparaît, l’agression d’une personne, un geste brutal. Le son est ajouté et il permet par exemple de ne pas confondre une équipe de rugby qui chahute en troisième mi-temps d’une bagarre générale. En salle de contrôle le système alerte l’opérateur sur les situations critiques, les images qu’il faut regarder, celles-là plutôt que d’autres. C’est une pré-détection, une aide à la décision.
- Animatrice: En gros, Sophie, ça ne révolutionne pas la vidéosurveillance mais ça la rend plus efficace.
- Sophie: À tel point que certains envisagent d’en équiper d’autres lieux comme les maisons de retraite. Moins intrusives que les capteurs portés par les personnes âgées, ceux-là font valoir, les partisans des caméras, que ce serait intéressant. On se pose alors la question de l’éthique: quelle place, quelle décision laisse-t-on à l’intelligence artificielle ? Va-t-elle supplanter l’homme ? Est-elle capable de prendre des décisions ? Le directeur de l’innovation de Thalès, Marco Hermann estime qu’on en est loin.
- Marco H.: On peut être surpris par le fonctionnement, par les résultats de l’I.A. parce que c’est complexe, mais l’I.A. n’est pas en train de jouer avec vous à vous faire la surprise. Vous voyez, ça reste une machine. Elle peut devenir autonome mais l’autonomie ne veut pas dire qu’on a la conscience... Bien sûr, il y a des systèmes autonomes. D’ailleurs, avant les réseaux de neurones, vous savez, il y a des avions qui atterrissent par temps, par mauvais temps en automatique. Si vous prenez la ligne 14, elle est autonome, enfin elle est automatique, elle a une certaine autonomie, donc ça ne va pas nous surprendre. L’intelligence artificielle va augmenter la capacité d’autonomie, mais on est quand même très, très loin de ces éléments de conscience, de conscience de soi, de conscience de l’autre, d’un dessein, d’une volonté.
- Sophie: Bon, c’est pas très facile de comprendre l’intelligence artificielle mais il faut s’en mêler, ne pas la laisser aux seuls informaticiens. Je ne saurais trop vous conseiller la lecture du livre de Gérard Berry, professeur au Collège de France “L’hyperpuissance de l’informatique”, c’est aux éditions Odile Jacob, ça vous fera un rattrapage…
- Animatrice: Merci Sophie Bécherel, c’était sur Futur proche.
https://www.franceinter.fr, 30-mars-2018 4’09’’