Les relations entre la France et l'Espagne se sont traduites par une forte empreinte surréaliste dans notre pays, qui s'est prolongée dans le temps et a accompagné d'autres tendances jusqu'au milieu du vingtième siècle. Une fois de plus, on se rend compte à quel point il est inapproprié de penser l'art contemporain comme une succession linéaire de styles. Le « nouveau réalisme » d'Arturo Souto ou de Joaquín Peinado coexiste avec l'influence surréaliste dans les œuvres de Julio González et d'Alberto Sánchez ou dans les œuvres plus informelles de Tàpies et de Chillida.
Au fil des années, la frontière entre les genres artistiques s'est estompée dans un univers créatif qui mêle le dessin à la peinture, la sculpture à l'action et à l'architecture. Un exemple de cette attitude est offert par le dessin d'Eduardo Chillida présenté dans l'exposition : il est difficile d'établir une solution de continuité entre la sculpture, le relief, le collage et le dessin. La texture et le chromatisme des fragments de papier évoquent les qualités visuelles du fer et du bois, mais le dessin est présent dans le blanc du papier, lui-même vide face à une masse paradoxalement plate. La conception traditionnelle de la main qui dessine a été remplacée par une main qui coupe, compose, colle... La collection nous a conduits à une perspective différente : non plus le dessin traditionnel, mais une œuvre à laquelle le dessin participe.